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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2025-11-26 | [This text should be read in francais] |
La sagesse pratique, dans la conception d’Aristote¹ mais aussi de Machiavel, est une science de l’action ayant pour principe le moindre mal. Ce principe, que tous deux déduisent de la considération des limites de la condition humaine, privilégie l’éthique de l’action chez Aristote et l’efficacité de l’action chez Machiavel. Et cela parce que le premier voit les limites dans la fragilité de l’homme et le second, dans la nature humaine qui n’est pas nécessairement bonne. La question est de savoir si nous pouvons véritablement déterminer la place de l’éthique et, respectivement, de l’efficacité dans nos actions.
Ce qui est certain, c’est que, du point de vue du but poursuivi, une action peut également réussir ou échouer et que, par conséquent, nous pouvons dire qu’elle est efficace dans le premier cas et inefficace dans le second. Or, une action efficace n’est pas nécessairement bonne, pas plus qu’une action inefficace n’est obligatoirement mauvaise. Je vais essayer, dans ce qui suit, de répondre à la question posée ci-dessus en partant de trois exemples, dont deux que j’ai construits moi-même et un troisième, tiré de l’histoire, qui m’a été suggéré par une leçon de philosophie politique visionnée sur internet. Supposons qu’un groupe armé attaque une banque. Premier scénario possible : les membres du groupe sortent de la banque avec une somme considérable et disparaissent sans laisser de trace. Dans le deuxième scénario, ils sont arrêtés et envoyés derrière les barreaux. Du point de vue du but poursuivi — le braquage de la banque — l’action est efficace dans le premier cas et inefficace dans le second. Mais, dans l’un comme dans l’autre, elle est considérée comme criminelle, et ses membres sont vus comme des délinquants. Et cela parce que la vie en société est gouvernée par des normes, des règles, des lois qui garantissent la sécurité de ses membres et de leurs biens. Or, l’action du groupe armé, qu’elle soit efficace ou non, met cette sécurité en danger et fragilise implicitement la cohésion sociale. Supposons maintenant qu’un incendie éclate dans un immeuble. Les habitants parviennent à se sauver, mais au dernier moment, ils réalisent qu’un enfant est resté à l’intérieur. Un jeune homme tente de le sauver. Premier scénario possible : le jeune homme réussit à sauver l’enfant et tous deux sortent sains et saufs du bâtiment en flammes. Deuxième scénario : le jeune homme et l’enfant périssent sous les décombres. Dans le premier cas, l’action est couronnée de succès, elle est efficace ; dans le second, elle se transforme en tragédie, elle est totalement inefficace. Pourtant, dans l’un comme dans l’autre cas, l’action est qualifiée d’exemplaire et le jeune homme est considéré comme un héros. Et cela parce que la vie en société augmente les chances de survie de chacun de ses membres, et l’action du jeune homme, qu’elle soit efficace ou non, renforce la cohésion sociale. L’exemple tiré de l’histoire se rapporte à l’attitude des gouvernements face à la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque les nazis ont conquis l’Europe, en 1940, ils ont commencé par déporter les Juifs, ce qui a suscité une chaîne de réactions. J’en rappellerai trois. La réaction des évêques des Pays-Bas furent les premiers à protester contre la persécution des Juifs. Dès le lendemain, Hitler, furieux, ordonna la déportation de tous les Juifs hollandais, si bien qu’à la fin de la guerre il n’en restait en vie que 5 % aux Pays-Bas. L’attitude des évêques hollandais fut noble, respectable, mais sur le plan politique elle ne fut pas efficace. Une politique qui conduit à la mort de 95 % de ceux qu’elle voulait sauver est un échec. D’où il ressort que la morale seule ne suffit pas. Confronté à la même situation, le maréchal Pétain décida de collaborer avec Hitler. Pendant toute la durée de la guerre, avec sa milice, il livra aux nazis les Juifs de nationalité étrangère qu’il pouvait attraper, y compris les Juifs allemands réfugiés en France. Il affirmait agir ainsi pour protéger la France. Et en effet, le taux de survie des Juifs français est estimé à 95 %. La politique de Pétain, de ce point de vue, fut efficace. Mais elle a endetté moralement et à long terme les Français, car on ne trahit pas ainsi les personnes que l’on a accueillies chez soi pour les protéger. La politique ne peut pas être une pure efficacité. Une troisième réaction fut celle du pape Pie XII. Informé du génocide qui était en train de se commettre, il ne sortit pas du Vatican avec une étoile jaune. Il donna en revanche des instructions pour que tous les monastères d’Europe soient ouverts aux réfugiés juifs. Par la manière dont il géra la crise, il sauva de la mort un million de Juifs, si bien qu’à la fin de la guerre les peuples d’Europe le considéraient comme un saint. Une action est bonne ou mauvaise selon que le but poursuivi est bon ou mauvais. Chercher à attirer la bienveillance de l’occupant nazi n’est pas un objectif honorable. Mais payer en plus ce choix avec la vie de ses « sujets » est inhumain. La collaboration avec l’occupant fit vivre à Pétain l’ivresse du pouvoir. Il en vint ainsi, en méconnaissant la réalité, à collaborer non pas tant pour protéger la France que pour devenir le partenaire privilégié de Hitler dans l’Europe nazie. Ainsi, il est à supposer que sous le régime de Vichy, même la vie des Juifs français n’était qu’une marchandise en attente. La Résistance française en fut d’autant plus précieuse ! Une mauvaise action pose moins le problème des moyens par lesquels elle est accomplie, étant donné que son échec est préférable à sa réussite. Ce qui importe en revanche, c’est la gestion d’une action dont la finalité est bonne. Comme une telle action peut être efficace ou inefficace, elle soulève de la manière la plus pressante la question de l’utilisation des moyens les plus appropriés dans une situation donnée. Et cela d’autant plus que des moyens considérés comme bons peuvent ne pas l’être toujours, tandis que des moyens jugés mauvais peuvent se révéler bons. C’est le cas de la protestation des évêques hollandais et, respectivement, de la duplicité du pape Pie XII, de son silence, du fait qu’il n’a pas pris une attitude ouverte face à une horreur manifeste, ce que certains lui ont d’ailleurs reproché. Le projet initial était le même, pour les évêques et pour le pape : sauver les Juifs. Mais tandis que le pape a ajusté son comportement en fonction du profil psychologique de l’occupant, les évêques ont failli dans l’interprétation de ce profil. En pratique, ils n’ont pas évalué la situation, ils ont agi par principe. En conséquence, le moyen qu’ils ont utilisé n’a fait que précipiter la perte de ceux qu’ils voulaient sauver. D’où il ressort que, dans la vie pratique, le principe du moindre mal, préconisé par Aristote et Machiavel, non seulement trouve sa confirmation, mais se laisse aussi définir dans une certaine mesure. Subordonné à un but qui est sans équivoque bon, un moyen équivoque — la duplicité du pape, dans notre cas — peut être opportun. Ou encore, subordonné à un but qui est bon, un mal moindre peut éviter un mal plus grand. Notes de bas de page ¹ Aristote part de la distinction entre la sagesse théorique et la sagesse pratique pour dire que la première s’adresse aux choses immuables, vise au-delà de l’homme, s’étend à l’univers, tandis que la seconde est liée à la contingence et a pour but le bien de l’homme en fonction des limites de sa condition. En rapport avec cette distinction et avec les deux genres de vie qui lui correspondent — la vie de contemplation et la vie d’action — il soutient que l’homme atteint parfois le bonheur suprême de la contemplation, mais comme il vit dans un monde aux circonstances changeantes, et donc dans un monde incertain, son état même l’oblige à la sagesse pratique, cette disposition « à agir dans la sphère de ce qui est bien ou mal pour un être humain »³. (Aristote 1992 : Livre VI, Ch.3) ² « Les hommes ne font le bien que contraints ; s’ils ont le choix, ils font le mal. Et en supposant qu’ils ne soient pas intrinsèquement mauvais, ils ne sont pas bons. Ils ne font pas le mal seulement par haine, mais aussi par peur. Et ils sont rancuniers. Ils ne pardonnent pas la moindre insulte et ne pensent qu’à la vengeance. Il faut en faire des alliés ou les traiter comme des ennemis. » (Machiavel 1952 : 302)
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