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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2004-08-08 | [This text should be read in francais] |
LES MOTS SE MEURENT DE CHANGER DE BOUCHE : FONDANE ET LâĂCRITURE DE TRADUCTION
![]() 7/2004, JERUSALEM, ISRAEL âje nâai pas connu la littĂ©rature française, je lâai vĂ©cueâ Benjamin Fondane nous apparaĂźtra sous un jour nouveau si nous tentons dâarticuler trois angles possibles dâanalyse : les rĂ©flexions thĂ©oriques de Fondane sur la traduction, la pratique traduisante de Fondane, et les rĂ©flexions dâun traducteur sur la traduction française de ses poĂšmes roumains. RĂ©flexions thĂ©oriques de Fondane sur la traduction Parmi les pages de brouillon dâun manuscrit inĂ©dit(1) consacrĂ© Ă Gaston Bachelard (datant de 1943), quelques remarques sur la traduction littĂ©raire prouvent la sensibilitĂ© de Fondane aux problĂšmes soulevĂ©s par ce type dâĂ©criture. En effet, lâĂ©criture de traduction intĂ©resse Fondane en tant que travail sur le texte, travail complexe qui entraĂźne plusieurs aspects purement physiques de cette activitĂ©, tout comme lâĂ©criture elle-mĂȘme. DĂ©jĂ en 1928, dans la ânote du traducteurâ qui accompagne La Confession dâun candĂ©labre de A. L. Zissu, Fondane, le poĂšte-traducteur, dĂ©crit la force du texte de Zissu Ă travers sa propre maniĂšre de le lire â oĂč lire a un sens si profond quâil sâinscrit dans un continuum lecture-traduction-Ă©criture. Câest une lecture physique, puisque â explique Fondane â âdes perceptions de lecture, comme des porte-plume mĂ©caniques sont en train de transcrire en moi des sensations musculaires, des rythmes solides, des tangages de styleâ(2). Câest la finesse de la perception qui transforme cette sĂ©quence lecture-traduction-Ă©criture en un continuum, et la traduction en un lieu de passage. Ce nâest pas par hasard quâil cite (dans le mĂȘme texte) Emerson Ă©crivant Ă propos de Montaigne : âsi lâon coupe nâimporte laquelle de ses phrases, elle va saignerâ. Physiquement parlant, une phrase poĂ©tique - un vers - a une vie que le traducteur ne devrait pas ignorer : elle est faite de sons, de rythmes, de respirations, de coupures, câest-Ă -dire de signifiants porteurs dâune syntaxe poĂ©tique. Fondane Ă©crit en 1943 : âles vers doivent rester des versâ. Ce que les thĂ©oriciens de la traduction rĂ©pĂ©teront jusquâĂ aujourdâhui en âpoĂ©tique du traduireâ : âle rythme est syntaxierâ, âle Rythme est pivotal ⊠Câest sur un point de rythme que tout peut basculerâ(3) pour ne citer que le poĂšte-traducteur-thĂ©oricien Henri Meschonnic, quelques dizaines dâannĂ©es plus tard. Fondane en avait dĂ©jĂ fait lâexpĂ©rience, comme ce manuscrit de 1943 le prouve : âEvidemment, il est moins aisĂ© de dĂ©celer les rythmes aĂ©riens, terrestres, aquatiques, ignĂ©s que les images (qui sont intelligibles). Il est cependant des rythmes, comme des syntaxes, aĂ©riens ou gluants, secs ou humides, vifs ou lents, lĂ©gers ou lourdsâ. Les poĂšmes de Shelley ou de Novalis citĂ©s par Bachelard en traduction déçoivent Fondane qui ne les trouve pas âconvaincantsâ; ce qui le déçoit câest justement cette lecture-traduction qui lui semble insuffisante : âle courant ne passe pasâ ; âla poĂ©sie demeure intraduisible â bien que lâimage le soitâ. On devine de nouveau les enjeux thĂ©oriques autour desquels les traducteurs ont tellement discutĂ©. Aux yeux de Fondane, traduire lâimage, la mĂ©taphore, aussi difficile que cette tĂąche puisse ĂȘtre, ne signifie pas encore traduire la poĂ©sie du texte. âLa poĂ©sie est traduisible et intraduisibleâ, disait Michel Deguy, car il y a cette partie qui âpasseâ, mais il y a aussi un âcourantâ qui ne passe pas toujours . Il y a toujours âautre choseâ que lâimage. Comme le poĂšme, la traduction poĂ©tique existe ou nâexiste pas, puisquâil se peut que le courant passe ou ne passe pas. Un traducteur qui ne comprend pas ces lois ne fait quâannuler la poĂ©tique du traduire et par consĂ©quent, le poĂ©tique du texte. Lorsque Fondane souligne dans son commentaire le terme âprĂ©sĂ©anceâ â câest pour attirer notre attention sur ce quâil y a de plus erronĂ© dans certaines approches de la traduction : âLa prĂ©sĂ©ance attribuĂ©e Ă lâimage, Ă la mĂ©taphore (Ă quoi lâon rĂ©duit toute la poĂ©sie, voir lâAnthologie de lâAlbatros) souligne dans la poĂ©sie son seul Ă©lĂ©ment traduisible ; et par lĂ annihile le discours poĂ©tique dans ce quâil a dâessentiel . La poĂ©sie demeure essentiellement ce quâon ne peut pas traduire.â Cependant Fondane est traducteur de poĂ©sie lui-mĂȘme ; bien que la traduction soit inachevable, il croit donc Ă une solution de ces problĂšmes, il doit y avoir une sortie Ă cette impasse. La vĂ©ritable traduction poĂ©tique commence lĂ oĂč les solutions faciles se sont Ă©puisĂ©es, au-delĂ des surfaces qui se laissent transposer en dâautres surfaces, dans la profondeur, la lenteur, le lointain dâun âlangage DANS le langageâ. Si le langage se traduit, le langage DANS le langage quâest le poĂšme ne passe quâavec un courant poĂ©tique dont le traducteur devrait ĂȘtre porteur. CrĂ©er au sein dâune oeuvre dĂ©jĂ créée, une mise en abyme de la crĂ©ation. Plus le texte est poĂ©tique, moins il est traduisible. Fondane en semble profondĂ©ment convaincu lorsquâil affirme Ă propos de la poĂ©sie dâEminescu dans laquelle il retrouvait âles minerais du romantisme allemandâ que âsa langue est une telle merveille quâil est impossible dâen rendre lâĂ©quivalent dans un autre idiomeâ(4) . Dans une sĂ©rie dâarticles publiĂ©s dans la revue MĂąntuirea sous le titre "Traducatorii lui Heine", Fondane commente avec finesse et ironie les textes traduits. De nombreuses et mĂ©diocres traductions de Byron, Schiller, Goethe, Heine, avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© publiĂ©es dans diverses revues. Devant la mĂ©diocritĂ© en traduction, lâironie de Fondane est constamment cinglante : ici, âles vers Ă©taient traduits en prose, pour que leur sens ne se perde par hasardâ(5); lĂ , il trouve que la traduction est âanĂ©mique et honnĂȘte. Ce qui nâest pas sans mĂ©rite, puisquâil sâagit dâun long et patient labeurâ(6). Son analyse est aussi tranchante dans lâarticle publiĂ© en 1933 dans les Cahiers du Sud, article concernant la traduction par Roger Vailland de Ulysse dans la CitĂ© de Ilarie Voronca. Le poĂšme nâa plus rien dâun poĂšme car âsi la langue lâabandonne, il ne reste plus que des images, abondantes et chevelues, il est vrai, mais dĂ©jĂ anĂ©miĂ©es, surmenĂ©es.â Le rythme est le critĂšre constamment mentionnĂ© par Fondane : cette traduction lui dĂ©plaĂźt parce quâelle est âstrictment littĂ©rale, pressĂ©e, oublieuse de ses rythmes originels, sans le moindre Ă©quivalent lexique et musical des trouvailles de lâoriginalâ. Ce qui est le plus grave dans ce genre de traduction est le fait que du vers moderne il ne reste quâune âprose frelatĂ©e, et guĂšre des rythmes obscurs, des similitudes savantes, des obstacles invisiblesâ qui ne doivent surtout pas ĂȘtre âdomestiquĂ©sâ. Esprit ironique, dans le sens profond du terme â nâoublions pas le pouvoir auto-ironique de son esprit tel quâil est analysĂ© par LĂ©on Volovici Ă propos de la prĂ©cocitĂ© des MĂ©moires Ă©crits Ă lâĂąge de dix-huit ans(7) - , Fondane cherche la transposition de lâironie dans les poĂšmes traduits ; il la retrouve chez lâun des traducteurs de Heine, Gr. N. Lazu. Traducteur âassiduâ de Heine, Lazu attire lâattention de Fondane par ce que le poĂšte considĂšre comme une exception : âles traducteurs roumains avaient tous senti et traduit les poĂšmes sentimentaux de Heine. Lazu est Ă©galement tentĂ© par les poĂšmes ironiquesâ(8). Dans la traduction du poĂšme TannhĂ€user, Fondane apprĂ©cie surtout âlâinsolenceâ du traducteur qui ârend le poĂšme plus naĂŻf et plus archaĂŻque aujourdâhuiâ(9). Au sujet dâun autre traducteur non moins important de Heine - le poĂšte-journaliste Steuerman-Rodion, Fondane affirme que lâessentiel est, le rapport traducteur-auteur(10) lâaffinitĂ© entre le poĂšte et le poĂšte-traducteur : âla mĂȘme maniĂšre de sourire, de dire lâironie â et la mĂȘme capacitĂ© de sourde souffranceâ ainsi que âlâaspect douloureux du sarcasmeâ(11). Lâexpression de lâironie a ici son autre visage : ce visage tragique, commun aux trois poĂštes : Heine, Rodion et Fondane. Dans le troisiĂšme article consacrĂ© aux traducteurs de Heine, analysant des traductions, Fondane prend comme point de dĂ©part lâinspiration non de lâauteur, mais celle des traducteurs eux-mĂȘmes. Deux traductions du poĂšme YĂ©houda ben Halevy(12) sont comparĂ©es Ă travers la personnalitĂ© des traducteurs : lâun est Nemteanu, lâautre , A. Steuerman. Le fragment commentĂ© est intitulĂ© JĂ©rusalem : âJâai eu lâimrpession de lire deux textes diffĂ©rents â deux inspirations diffĂ©rentes. Le hasard leur a offert la mĂȘme anecdote â le mĂȘme sujet. Deux poĂštes lâun Ă cĂŽtĂ© de lâautre ont dĂ©formĂ©, dans deux modes diffĂ©rents de sensibilitĂ©, le poĂšme de Heine. (âŠ) Sous le poĂšme de Steuerman, une sensibilitĂ© tremblante, tandis que chez Nemteanu, rien que des mots juxtaposĂ©s pourvus de significationâ(13). Ce qui explique le fait quâĂ vingt-deux ans dâintervalle, la traduction de Nemteanu nâa pas rĂ©ussi Ă âfaire croulerâ la prĂ©cĂ©dente, incontestablement meilleure, meilleure aussi grĂące Ă la sensibilitĂ© juive âdont la vibration est plus adĂ©quate Ă celle de Heine. Le paradoxe nâest quâapparent : tout en admettant que la traduction de Nemteanu est plus proche du texte original, Fondane trouve que les paysages y sont dans la mĂȘme mesure âconfusâ â autre forme de rapprochement ironique. Quant au poĂšme Donna Clara traduit par Steuerman, Fondane constate une fois de plus que le choix du traducteur est aussi liĂ© au contenu du texte ; notamment Ă cause du sarcasme qui convient si bien au traducteur. En traduisant un poĂšme, quâest-ce quâon traduit prĂ©cisĂ©ment ? Fondane ne fait que remettre en question des principes que les thĂ©oriciens de la traduction soulĂšvent jusquâĂ prĂ©sent. La thĂ©orie dâHenri Meschonnic, par exemple, confirme aujourdâhui la finesse de la perception du jeune Fondane. La pratique traduisante de Fondane âles vers doivent rester des versâ DĂšs lâadolescence, Fondane est tentĂ© dans la mĂȘme mesure par lâĂ©criture ainsi que par la traduction.Dans ces deux activitĂ©s, qui sont parallĂšles chez nombre dâĂ©crivains, Fondane fait preuve dâune Ă©tonnante prĂ©cocitĂ©. Du yddish, il traduit et publie dans des revues des poĂšmes de J. Groper ; de Z. Shneur, de C. N. Bialik, et mĂȘme un rĂ©cit de Shalom Aleichem. Du français, AndrĂ© ChĂ©nier, Henri de RĂ©gnier, Baudelaire ; de lâallemand, Heine. Plus tard, il traduira des poĂštes roumains en français. Tout traducteur nous offre un texte en rĂ©fraction : il nous offre sa propre lecture - ce quâil lit prĂ©cisĂ©ment dans Arghezi lorsquâil lit Arghezi, ce quâil lit prĂ©cisĂ©ment en lisant Voronca, ce quâil lit prĂ©cisĂ©ment en lisant Groper. Un filtrage subtil, mais qui doit rester souple. Un texte traduit sera un texte doublement rĂ©fractĂ©. Ce quâil faut observer surtout câest la surface de rĂ©fraction, les points oĂč le texte, les harmonies se brisent et sont transposĂ©es en dâautres harmonies. Fondane choisit soigneusement les poĂšmes Ă traduire : Arghezi, pour son âexceptionnelle puissance verbaleâ, Voronca, pour la fraĂźcheur, la simplicitĂ© et la finesse. Chez Bacovia, il retrouve le rythme du vent automnal du Plomb provincial avec, en Ă©cho, lâoubli, le dĂ©sespoir, le suicide, la mort; Minulescu, pour faire entendre avec prĂ©cision la musique des âRomances pour plus tardâ : la cadence, lâassonance rĂ©pondent Ă celles du roumain : âDans le port blond dâun OcĂ©an du nordâ. Choix qui prouve la richesse de la perception et le soin de ne pas empiĂ©ter sur le poĂšme. Quant aux poĂšmes traduits en roumain nous reconnaissons toujours le soin extrĂȘme de nous donner Ă lire un vrai poĂšme, câest-Ă -dire un texte qui ne soit pas moins poĂ©tique dans la âlangue cibleâ que dans la âlangue sourceâ. Ce qui frappe surtout câest le rythme qui naĂźt dĂšs le premier vers et qui est menĂ© jusquâĂ la fin sous-tendant un mouvement uniforme conforme Ă lâoriginal. Traduire Benjamin Fondane â rĂ©flexions sur la traduction de quelques poĂšmes roumains Le passage du roumain au français, ainsi que du français au roumain, nâa rien dâune rupture chez Fondane: câest un flux de langage qui ne fait que rĂ©pondre Ă la fluiditĂ© cosmopolite qui caractĂ©rise lâenvergure intellectuelle de lâĂ©crivain. Ce phĂ©nomĂšne sâexplique peut-ĂȘtre par le fait que, trĂšs jeune, Fondane vit sous le signe dâun clivage de deux traditions : roumaine et juive dâabord, française et roumaine par la suite. NĂ© au sein du clivage, il lâassume et en fait une maniĂšre de vivre naturelle qui se perpĂ©tue pas la suite, amplifiĂ©e mĂȘme. Dans un entretien avec Monique Jutrin(14), Jean Lescure confie : âLâexercice poĂ©tique est lâexercice dâune libertĂ©. Et câest ce que Fondane mâoffrait.â Pour mentionner ensuite âles pouvoirs de refus, ou de rĂ©bellion du langageâ, dâun langage sans nulle frontiĂšre. Par ailleurs, Emil Cioran avait Ă©galement entrevu chez Fondane âune sorte de dĂ©sarroi vis-Ă -vis du langage. Mais uniquement parce quâil Ă©tait fascinĂ© par le langage. Son tempĂ©rament Ă©tait si explosif quâil sâirritait contre les limitations du langage, il aurait voulu faire exploser les mots⊠mais il Ă©tait en mĂȘme temps lâhomme du verbe. Parfois il avait une tendance Ă vouloir tout dire"(15). Lâoeuvre française de Fondane nous semble lâamplification de lâoeuvre roumaine de Fundoianu. Une corde de plus qui va vibrer en poĂ©sie. Ce qui avait Ă©tĂ© annoncĂ© dĂšs la parution en 1921 du volume Imagini si carti din Franta (Images et livres de France) oĂč lâon sentait dĂ©jĂ , comme le remarquait LĂ©on Volovici(16), que âFondane sâinventait une autre tradition, par affinitĂ© et identification : celle de la littĂ©rature françaiseâ . La poĂ©sie entiĂšre sâĂ©crit contre tradition, invente ses propres traditions, vit de ses propres sĂšves qui traduisent la tradition. La tonalitĂ© des poĂšmes roumains se retrouve dans les poĂšmes français. Mais en deçà de cette tonalitĂ©, une voix rentrĂ©e en elle-mĂȘme. La difficultĂ© de traduire Fondane nâest que la difficultĂ© de traduire cette voix rentrĂ©e en elle-mĂȘme. DominĂ©e plutĂŽt par le regard. Privelisti a dĂ©jĂ Ă©tĂ© traduit en français par le terme Paysages ; cependant, en traduisant le poĂšme de 1917 qui porte le mĂȘme titre, ce qui nous semble surtout non-nĂ©gligeable, câest la prĂ©sence du regard. Câest le regard lui-mĂȘme qui ouvre le poĂšme, qui libĂšre le âpaysageâ, le poĂšme entier est dans la vue: âPriveste ; noaptea-i alba, si au cazut luceferiâ / Regarde ; la nuit est blanche, tombĂ©es sont les Ă©toiles . Ces poĂšmes sont des âvuesâ plutĂŽt que des âpaysagesâ. Vue nâa dâexistence que sous le regard qui la crĂ©e ; elle nâest pas lâobjet du regard, mais le point de vue que le poĂšte âinventeâ. Le paysage nâest que le prĂ©texte du poĂšme et cette distanciation nâest peut-ĂȘtre que âlâinadhĂ©rence du poĂšte Ă lâobjetâ dont parlait Mircea Martin. PrivilĂ©giant le passage du rythme du roumain vers le français, et sans trahir lâesprit de Fondane lui-mĂȘme, des rimes se sont Ă©galement offertes dâelles-mĂȘmes par le parallĂ©lisme lexical ou grammatical entre les deux langues romanes, soit par de simples hasards de la langue : âSi va veni o seara cand voi pleca de-aici, / fara sa stiu prea bine unde ma duc si nici/ de vine putrezirea , sau incoltirea vine.â Et viendra un soir oĂč je partirai dâici/ sans trop savoir vers quel endroit ou si/ je vais pourrir ou si je vais renaĂźtre. Ce poĂšme appartient aux Chansons simples : Marior, Ă©crits en 1922. Sa fluiditĂ© est facilement transposable en français. âTu viendras toujours au soir, je sais, enveloppĂ©e/de l"ombre froide des feuilles des noyers.â Les rimes sont surtout des rimes intĂ©rieures qui remplacent, complĂštent ou enrichissent le âcourantâ poĂ©tique. En français, on peut retrouver des rimes intĂ©rieures, dans le poĂšme âMarior IIIâ, par exemple, une rime en français rĂ©pond en Ă©cho dĂ©calĂ© Ă celle du roumain : âDin nou ne cheama iarna la soba, sa vorbim. / Ciori au batut vazduhul ca niste cuie si-mi/ place-n urechi tacerea cum scartaie⊠Pasemne/â âLâhiver mâappelle encore auprĂšs du poĂȘle ; parlons/ Lâair est clouĂ© par des corneilles / et jâaime le silence qui grince dans les oreilles⊠Peut-ĂȘtre/â "Le psaume du lĂ©preux" dont les vers au rythme rocailleux doivent ĂȘtre transposĂ©s dans des vers au rythme autrement rocailleux:: nous avons gardĂ© surtout, en traduisant, les coupures, les syncopes, les rĂ©pĂ©titions des verbes qui font rouler les vers: âon dirait que dans chaque palmier tu es /on dirait que dans chaque flamme tu es, Dieuâ ; ou bien la rĂ©pĂ©tition morphologique dans une chaĂźne de verbes : âLâaube / a rafraĂźchi ⊠/ a lavĂ©âŠ/a creusĂ©âŠ/ a placĂ©âŠ/a misâŠâ, ou la rĂ©pĂ©tition des participes en Ă© se trouve encadrĂ©e par les participes en "i". Le premier vers de la deuxiĂšme strophe est particuliĂšrement important par son effet ; par le rapprochement linĂ©aire physique des verbes qui se suivent lâun lâautre, ainsi que par lâallitĂ©ration et par lâassonance, on accentue lâeffet de la foudre : âJe voudrais â foudroyĂ© â tomber devant toiâ . Et, aprĂšs ce travail âhorizontalâ sur le premier vers, nous avons suivi une rime intĂ©rieure, estompĂ©e donc, qui serpente sur plusieurs vers â dans les vers suivants : âEt je voudrais/ tâembrasser lĂ dans les palmiersâŠ/mais jâai si peur de souiller la terre/âŠ/âŠ/quâen six jours tu avais crééesâ. Cette rime qui ponctue intĂ©rieurement neuf vers sâarrĂȘte sur le mot âcrééesâ Ă la fin du dernier vers qui achĂšve une longue phrase poĂ©tique. Ces quelques remarques nous mĂšnent Ă conclure , Ă travers notre travail de traduction des poĂšmes de Fondane, que lâĂ©coute du poĂšte est la mĂȘme que celle du traducteur, que le poĂšte-traducteur, Ă son insu, par le mĂ©langue tĂ©nu de hasard et de recherche, tout en dĂ©passant les frontiĂšres des langues, peut atteindre les limites du langage, devenu ainsi poĂ©tique. LâuniversalitĂ© de Fondane renvoie Ă la phrase de Ilarie Voronca, qui Ă©crivait en 1926 : âMais moi, de toutes les NATIONS je choisis lâimagi-NATIONâ(17). Marlena Braester 1 A la suite de notre article, nous reproduisons la transcription du manuscrit. Ce manuscrit, qui se trouve dans les archives de Michel Carassou, fait partie du texte commentĂ© par Monique Jutrin dans le Cahier no 4 : âFondane lisant Bachelard en 1943â. 2 âSpovedania unui candelabru de A.L. Zissuâ, Integral, 1927, repris dans Iudaism si elenism, Hasefer, Bucarest, 1999, p.170. 3 Henri Meschonnic, PoĂ©tique du traduire, Ă©d.Verdier, Paris, 1999, p. 101. 4 Le Journal des poĂštes, 2e annĂ©e, no 16, 1932. 5 âTraducatorii lui Heineâ, (1919), in Iudaism si elenism,op.cit. p. 81. 6 Id., p. 94 : il vise les quelques fragments du poĂšme âAtta Trollâ de Heine, traduits par Hildebrand Frollo et publiĂ©s en 1908 dans la revue Convorbiri critice de Mihail Dragomirescu. 7 LĂ©on Volovici, âMĂ©tamorphoses de lâidentitĂ©, in Europeâ, 827, mars 1998, p.7. 8 Ibid., p. 82 9 Ibid. . 10 Ibid.p.87. 11 Ibid., p. 84. 12 Ibid., p. 89. 13 Ibid., pp. 90-91. 14 Monique Jutrin, âUn auteur-clĂ© de notre rĂ©flexion, Entretien avec Jean Lescureâ, in Europe, 827/ 1998, p. 25. 15 Emil Cioran, Entretien avec Leonard Schwartz, janvier 1986, in Cahiers Benjamin Fondane, 6/2003. 16 LĂ©on Volovici, art. citĂ©, p. 8. 17. âDar uite, eu, dintre toate NATIUNILE aleg imagi-NATIUNEAâ, dernier vers dâun manuscrit envoyĂ© par Voronca de Paris, citĂ© par Sasa Pana dans la prĂ©face au Petit manuel du parfait bonheur, Bucuresti , Ed Cartea Romaneasca, 1973. Curriculum vitae Marlena Braester
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