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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-07-03 | [This text should be read in francais] |
Une nuit, en me promenant ainsi jusque tard j’ai rencontrĂ© vers minuit, dans une allĂ©e dĂ©serte de Tiergarten une personne fort Ă©trange. C’était une femme haute de taille avec d’épais cheveux roux sous un grand chapeau garni de plumes, une femme maigre et osseuse, sans hanches ni gorge habillĂ©e d’une robe serrĂ©e au corps et pailletĂ©e de papillons noirs. Elle s’avançait dans la nuit raide telle une morte, poussĂ©e ou attirĂ©e vers un but mystĂ©rieux par une force extĂ©rieure et Ă©trangère Ă sa volontĂ©. Je ne sais pas pourquoi j’ai refusĂ© dès le dĂ©but de croire que c’était une femme comme les autres et avant qu’il me semblât reconnaĂ®tre dans ses grands yeux fixes qui avaient l’air de regarder dedans et dans les traits de son visage trop fardé……
Mais aurais-je pu encore douter, aurait-il Ă©tĂ© possible que ce fût un simple soupçon lorsque je vis briller sur ses doigts effilĂ©s les sept saphirs de Ceylan ? Je restai sidĂ©rĂ© en proie Ă un sentiment trouble, où la perplexitĂ©, le dĂ©goût et la peur avaient bien leur part. Ensuite, les narines remplies de l’odeur bien connue d’oeillet rouge je me lançai Ă sa poursuite. Mais c’était dĂ©jĂ trop tard ; je l’avais perdue. Au bout de l’allĂ©e attendaient quelques fiacres ; elle Ă©tait peut-être montĂ©e dans l’un d’eux et avait disparu. Pour un vieux Berlinois que j’étais, me laisser saisi d’étonnement n’aurait Ă©tĂ© qu’une preuve d’enfantillage. J’en avais vu de plus belles encore. Et pourtant, je me sentais animĂ© par une ignoble curiositĂ© qui me fit guetter plusieurs nuits de suite dans cet endroit. Mais il n’arriva plus rien. Pendant ce temps, la canicule augmentait toujours plus terrible ; le jour qui suivis la nuit dont je vais vous parler, les gens Ă©taient tombĂ©s tels des mouches dans les rues. Il faisait une nuit de velours et de plomb où la molle haleine d’un vent brûlant s’efforçait vainement d’enlever le brouillard qui Ă©paississait l’atmosphère. De brèves foudres zigzaguaient Ă l’horizon, le bois et les mornes jardins se taisaient comme engourdis par un sortilège ; on y sentait le mystère, le pĂ©chĂ©, l’égarement. J’avançais pĂ©niblement Ă travers l’obscuritĂ© qui ouatait les allĂ©es solitaires, obligĂ© souvent de m’arrêter, accablĂ© de faiblesse. Au carrefour où se trouve la fontaine de Roland Ă Berlin, sous la lumière crue qui, jaillie soudain des tĂ©nèbres m’avait aveuglĂ© d’un coup, je me trouvai droit devant sir Aubrey lequel, après un minutieux examen ne me fit pas grand plaisir Ă voir. Absolument pas car cette fois il avait dĂ©passĂ© toute mesure. On ne sort pas ainsi dans le monde. La poudre dont il avait fardĂ© les joues Ă©tait bleue, les lèvres et les narines Ă©taient peintes en violet, les cheveux luisants Ă©taient soupoudrĂ©s d’une poussière dorĂ©e et les yeux Ă©taient contourĂ©s tout autour de larges cernes d’un noir tirant vers le violet qui lui donnaient l’aspect d’une chanteuse ou d’une danseuse de cabaret. Au reste, toujours tirĂ© Ă quatre Ă©pingles, une orchidĂ©e accrochĂ©e Ă la boutonnière, un bracelet autour du poignet et ses bagues sur les doigts. Et pourtant il avait quelque chose de changĂ©, il Ă©tait agitĂ©, anxieux autant que je l’étais amolli et affaibli. Contrairement Ă son habitude il parlait prĂ©cipitamment, d’une voix hĂ©sitante, me priant de rester avec lui - lui qui Ă©tait de ces hommes qui malgrĂ© eux et en dĂ©pit de leur courtoisie laissent comprendre aux autres, qu’ils font un grand sacrifice Ă consentir de rester avec eux. Plus encore, il avait saisi mon bras et m’avait obligĂ© Ă faire chemin arrière. Je le sentais grelotter de toutes ses articulations, secouĂ© de frissons et je voyais ses yeux vitreux se fixer tantĂ´t dans le vide, pareils Ă ceux de la femme aux cheveux roux, tantĂ´t se mouiller de larmes, languissants et Ă©perdus. Et, tout comme cette nuit-lĂ quand j’avais refusĂ© de croire que l’apparition qui Ă©tait passĂ©e près de moi fût une femme, j’avais l’impression Ă prĂ©sent que l’être qui m’emmenait dans l’ombre n’était pas un homme. Nous marchâmes ainsi silencieux Ă la lisière de la forêt, moi taciturne feignant d’être le moins ennuyĂ©, lui ayant un sourire flottant sur les lèvres et regardant au loin ses pierres bleues qui l’attachaient peut-être Ă de mystĂ©rieux souvenirs et auxquelles il semblait destiner passionnĂ©ment et langoureusement sa dernière pensĂ©e. Nous cheminâmes donc silencieux jusqu’à ce que, arrivĂ©s sur le pont qui traverse le canal, où se forme la voie des Electeurs, il s’arrêta, s’éloignant de moi. J’avais Ă prĂ©sent devant moi un autre homme, complètement diffĂ©rent Ă celui de tout Ă l’heure. Etait-il possible que ses pierres cachent de mystĂ©rieux pouvoirs ? Il avait progressivement regagnĂ© son aplomb, s’était redressĂ©, avait pincĂ© ses narines, se tenant figĂ©, froid et hautain, très hautain. Les traits de son visage allongĂ© s’étaient tirĂ©s, ses yeux d’un bleu dĂ©licat de fleur avaient acquis des Ă©clats durs d’acier et, au-dessus de ses lèvres amincies son sourire Ă©tait devenu cruel. AurĂ©olĂ© de sa pâleur sĂ©lĂ©naire, les cheveux dorĂ©s, sir Aubrey n’avait plus rien de terrestre dans son aspect, ressemblant plutĂ´t Ă un sĂ©raphin ou Ă un archange qu’à une crĂ©ature humaine. Il resta quelques instants immobile dans sa pose, scrutant l’obscuritĂ© qu’il fouetta brusquement de ses gants blancs comme s’il eût voulu chasser une vision. -- - Etrange nuit, dit-il gravement. De telles nuits sont plus redoutables que l’ivresse ; le vent brûlant rĂ©pand le malaria. Stendhal Ă©crit qu’à Rome, quand il souffle un certain vent Ă Transtevère il peut tuer. Vous devez vous sentir vous aussi Ă©puisĂ© par cette chaleur Ă©touffante, poursuivit-il. Vous me ferez le plaisir de servir quelque chose avec moi, une ou deux truites et une bouteille de vin du Rhin pour reprendre des forces. Mais avant, permettez-moi de m’absenter un peu……..Et, sortant sa montre de platine en forme de fleur, sertie d’une rosĂ©e de pierres bleues…..Vous voudriez m’attendre, n’est-ce pas ? Je ne vais m’attarder que pour un quart d’heure tout au plus, moins d’une demi heure en tout cas. Pendant ce temps vous pouvez vous promener, on se retrouvera ici, sur le pont. Celui qui arrive le premier attendra l’autre. Il me tendit une main glacĂ©e, enleva son chapeau et me tourna le dos. Je fis de même, reprenant le chemin vers la forêt ; tout près poussent les arbres les plus beaux que l’on puisse s’imaginer, des arbres sĂ©culaires, druidiques tellement hauts et Ă©pais qu’en les regardant on croirait se trouver dans un autre monde. Je suis revenu sur le pont au bout d’un quart d’heure, bien avant la demi heure sans que je retrouve mon ami. Comme l’attente avec tous ses ennuis semble plus difficile au dĂ©but, je longeai le quai en amont, sans trop m’éloigner de l’endroit Ă©tabli pour le rendez-vous. Le quai Ă©tait dĂ©sert et les maisons plongĂ©es dans l’obscuritĂ©. De tous cĂ´tĂ©s les fenêtres Ă©taient noires, mais quelques unes laissĂ©es ouvertes permettaient d’apercevoir Ă l’intĂ©rieur ces mornes Ă©clats de vif argent reflĂ©tĂ©s dans les tĂ©nèbres par les miroirs. Une seule fenêtre en haut, celle d’une chambre pleine de reflets, où veillait une lampe posĂ©e sur le bout d’une armoire - une lampe Ă huile plutĂ´t - laissant Ă peine filtrer Ă travers son abat-jour Ă Ă©maux verts une lumière envenimĂ©e, Ă©touffĂ©e, l’une de ces clartĂ©s qui selon les coutumes des sorciers sont favorables aux mauvais esprits qui errent Ă minuit, Ă©tait faiblement Ă©clairĂ©e. Je m’arrêtai et mon regard resta longuement fixĂ© sur cette fenêtre. Ah ! le charme des fenêtres brillant dans l’obscuritĂ© ! Qui oserait le dire après Barbey d’Aurevilly ? Mais dans son immortelle histoire le rideau est cramoisi, dans les autres, Ă©crites plus tard et si vite oubliĂ©es il y a des vitres de toutes les couleurs. Chez ma fenêtre il n’y avait ni rideau ni vitre et pourtant on ne distinguait rien Ă travers la brume vert pâle, exceptĂ© les dorures et les miroirs qui semblaient eux aussi endeuillĂ©s. Eût-il pu exister quelque liaison entre cette fenêtre, qu’il suffit de fermer les yeux pour la revoir surgir devant moi telle qu’elle l’était alors et ce qui s’était passĂ© la même nuit, je m’en doute seulement, je ne peux pas le savoir au juste.
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