La paupière transparente de la pluie,
à moitié ouverte sur l'horizon,
balaie discrètement l'ombre de tes pas,
égarés au coeur de ce pré
à l'époque des moissons et des mûres,
à l'heure du destin où nous aimions comme des dieux,
et où la chanson dorée du rossignol
annonçait le réveil...

J'avance sur l'onde de mon souvenir
comme sur un rivage embrasé,
triomphante je domine le temps pour la première fois;
le bonheur et la mélancolie, mes compagnons du moment,
me rendent les trophées de mon adolescence
et je me laisse noyer dans l'océan de pissenlits,
que tu mettais dans mes cheveux, me déclarant ta reine,
Ici commence mon royaume...

Perdue entre deux frontières jumelles,
visible et invisible
redeviennent un tout, je domine cet instant,
Le temps est mon allié, c'est mon heure de grandir,
franchissant la barrière de brasier d'inoubliables beautés
je dessine tes yeux d'ambre sur les ailes du vent,
Je pénètre dans les parfums des fleurs pour retrouver
les odeurs de tes cheveux, le bonheur de mes sens.

Je vénère les ombres de mon passé comme un vieux prêtre
caressant les ruines de son ancien autel,
je transforme le moment en extase de symphonies,
tout est musique lorsqu'on aime,
et le rossignol, ce messager mystique
d'une époque, submergée sous des fleurs et des parfums,
chante avec moi la note du réveil d'un passé éternel...