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Traduire la poésie: pour en finir avec les idées reçues
article [ Dialogue ]

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by [marlena ]

2018-07-15  | [This text should be read in francais]    | 



Plus la pratique de la traduction est longue et complexe, plus on découvre ce qui est figé et insoutenable dans certains principes du travail de traduction. L’expérience du « traduire » nous apprend à déceler les principes valables, mais aussi à refuser toutes les idées reçues qui – nous disait Henri Meschonnic – sont à revoir, surtout quand on traduit la poésie, afin de ne pas « désécrire » le poème. Et ce n’est pas un hasard que le livre qui contient toute sa théorie porte le titre Poétique du traduire, car c’est le processus du traduire avec la dynamique de ses enjeux qui doit être analysé dans une nouvelle perspective, notamment la perspective poétique, qui reste – au-delà des théories sémiotique, rhétorique, stylistique et de la science de la traductologie – la plus profonde.

Une réflexion en permanence renouvelée concerne donc les principes suivants:



L’intraduisibilité de la poésie: un principe qui n’est que relativement acceptable. Antoine Berman, dans La traduction et la lettre y voyait déjà la menace d’un dogme doublé de celui de l’intangibilité de la poésie. Certains éléments, on le sait bien, ne sont pas traduisibles tels quels (rimes, cas d’opacité sémantique de certaines métaphores, fixité idiomatique etc.). Il y a des points aveugles, c’est vrai, aussi. Trouver des solutions signifie être créatif poétiquement, voire être poète. Traduire c’est inventer dans la langue d’arrivée, tout en restant en harmonie avec les deux langues (langues de départ/langue d’arrivée): certains découpages sémantiques pourraient être remplacés par des découpages ayant le même rapport interne; laisser se développer les associations suggérées par l’original; des sonorités (assonances, allitérations, structurations syllabiques, rimes) qui n’ont pas de correspondants dans la langue d’arrivée (ou qui en sont très éloignées, comme, par exemple, si on considère la distance entre les langues romanes et les langues sémitiques) pourraient être remplacées par d’autres qui créent dans la langue d’arrivée une ligne sonore parallèle à celle de la langue de départ; de même en ce qui concerne les articulations syntaxiques dissemblables: les lignes peuvent être fracturées et recomposées « à contre-syntaxe », de sorte que la syntaxe et le sens soient défaits, puis refaits La poésie nous permet, en effet, d’échapper aux hiérarchies instaurées par la syntaxe, au linéaire; et si le linéaire tend à éclater dans le poème à traduire, il faut le faire éclater dans la traduction aussi. Le « traduire » doit être un processus créatif aussi et surtout au niveau du rythme: confrontés à un espace linguistique différent, à un autre horizon de langage, c’est le rythme que nous devons privilégier, qui est essentiel dans l’invention d’un « nouveau » poème. Un horizon qui ne sera pas une ligne droite, mais un vallonnement de rythmes encore inexplorés, de résonances insoupçonnées induites par la rencontre entre les deux langues: au fur et à mesure du traduire, il arrive souvent que des assonances nouvelles se découvrent et répondent à l’original, des rimes « autres » naissent – parfois des rimes intérieures qui gardent l’effet des rimes de l’original etc.


Un deuxième principe discutable s’en suit: l’effacement du traducteur au nom de la modestie/fidélité du traducteur, du naturel, de la clarté (jusqu’à la transparence) et d’autres « alibis moralisants » analysés par Meschonnic. Fidélité à quoi? C’est la première question à se poser. Ne s’agit-il souvent de la modestie tactique d’un traducteur prudent, retranché derrière la lettre de l’original? La traduction littérale est donc le danger principal; ce serait traduire le sens des mots: double limitation – traduire les mots et traduire le sens, au lieu du mouvement de la signifiance (voir plus loin). Alors que le traducteur de poésie reproduit d’abord non pas le poème, mais le chemin de création poétique dont le poème est né. Il écoute et remonte jusqu’aux racines de la langue, comme écrivait Nelly Sachs à Paul Celan – traducteur de Valéry: « vous avez saisi la racine de la langue comme Abraham la racine de la foi; un tel souffle traverse la Parque avec vos mots chargés de jour et de création ». Le traducteur est cet « alter ego, cet auteur a posteriori » du poème, nous disait l’écrivaine-traductrice Alice Seelow (dans une interview donnée à la résidence Marguerite Yourcenar de Montnoir). Tout en prenant ses distances par rapport au texte, il n’est jamais neutre, transparent, au contraire: dans un poème traduit on trouve toute la sensibilité poétique du traducteur, ce qui devient encore plus complexe si le traducteur est poète lui-même puisque son empreinte y sera des plus prégnantes. Cela implique un risque aussi, bien évidemment – il y a eu des cas où la voix du poète-traducteur était plus prégnante que celle du poète à traduire. Par ailleurs, un autre risque existe: l’interprétation, voire l’explicitation qui ne feraient qu’aggraver l’éloignement du texte traduit de l’original; alors plutôt maintenir le dire du texte et non pas ce que cela veut dire, quand il ne demande pas à être désambiguisé.


Le « naturel » dans la langue d’arrivée: flatter l’oreille de celui qui lit/écoute un poème en traduction. Cela signifie souvent aplatir le texte, le rendre facile et compréhensible quand des difficultés de traduction semblent insurmontables. Nous devrions, au contraire, essayer d’échapper « à la traduction qui court après la langue courante » (Meschonnic, Ethique et politique du traduire) au risque de donner en traduction un texte plutôt rugueux et abrupt, mais qui n’annule pas l’effet des images et des rythmes. Le linéaire qui éclate dans le poème à traduire devra faire éclater la traduction aussi. Et si le texte est rugueux en original, il doit le rester en traduction aussi; si les rythmes sont irréguliers, désaccordés, apparemment boiteux, il faut les garder comme tels; les dissonances doivent rester des dissonances; les distorsions doivent rester des distorsions. Le poème doit rester poème. « La fonction de la poésie est d’inquiéter le langage » – disait Yves Bonnefoy, alors c’est dans cet espace de l’inquiétude que le traducteur se trouve, respire, écoute.




Qu’est-ce que l’on traduit? On sait bien que le poème dépasse la langue. Un nouvel éclairage de ce qui est à traduire montre que tout un travail se fait en profondeur, au niveau de la signifiance, du mode de signifier; ni le contenu, ni la forme – deux termes qui ne sont plus valables, ni même le signifiant et le signifié dans leur acception ordinaire (interchangeables en poésie) ni tous les autres clivages imposés par le signe et bien connus des linguistes. « Ecouter le continu », comme dirait Meschonnic, c’est percevoir avant tout le mode de signifier, en passant de la question « quoi », « qu’est-ce que cela signifie » à « comment ». La poésie est « une hésitation prolongée entre le son et le sens », disait Valéry. Alors écoutons « le sens en mouvement », « le texte en mouvement », les effets d’écho qui se répercutent plus ou moins feutrés, les rimes à première vue disparues, mais transférées en rimes intérieures, la fracture du sens qui n’est qu’une (ré)ouverture des sens avec la renaissance de chaque vers. Très souvent ce que nous appelons sens semble en effet s’étirer jusqu’à la rupture d’un vers à l’autre, entraîné par la chute de ligne en ligne, la chute des sonorités de syllabe en syllabe, le tout régi par le rythme qui oriente toute la structure du poème. On traduit donc la parole qui induit le poétique, la substance de cette parole et tout ce qui la dépasse. On traduit des unités poétiques protéiformes et insaisissables. Si les rythmes ont une densité, ils peuvent se trouver dispersés en morceaux signifiants tout au long du poème; si la poésie a un corps, elle est, comme la voyait Antonin Artaud, une « poésie en espace »; alors Antoine Vitez a raison de dire que « traduire c’est mettre en scène ». L’espace du poème n’est que ce continu rythme-signifiance-énonciation-sonorité.


Traduire la poésie est donc une mise en abyme de la problématique de toute la traduction littéraire – avec une acuité exacerbée. A travers ces quelques principes – à ne pas respecter, on aura compris que le traducteur devrait faire taire tous les clichés de pensée et ne garder que l’écoute des rythmes du poème, la musique de sa langue, ses inspirs/expirs. Traduire est cet effort de saisir la fulgurance du poétique et de restituer l’effet du poème; c’est percevoir le poème jusque dans son oralité et imaginer la perception avec tous les sens.

Traduire un poème commence là où s’arrêtent les voies communes de la traduction.


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