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Eloge de l'intériorité
presse [ ]
Au sujet de la poésie de Rolande Bergeron

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Reumond ]

2018-04-25  |     | 



Illustration, Le salon de Platon (Roland Reumond 2018)

Paradoxalement, la lumière ne vient pas de l'extérieur, comme la vie, elle sourd du cœur des choses, de l'intérieur même de l'être; c’est pourquoi vous ne l’entendez pas et c’est pour les mêmes raisons intimes que nous n’y entendons rien en matière de vie intérieure !

Rolande Bergeron est née en 1938 au Québec, originaire de La Baie au Saguenay, pas loin de Chicoutimi. Auteur et poétesse francophone elle vit et écrit à Montréal depuis trois décennies. Ancienne directrice artistique dans le domaine du théâtre, aujourd’hui pensionnée, Rolande Bergeron, à travers ses mots solidaires de l’humain a toujours travaillé la poésie comme d’autre travaillent la terre, elle est donc une vivante, et rien que pour cela, elle mérite toute notre attention.

Prétexte ou pas, sa poésie me donne souvent matière à réflexion, elle est pleine d’espérance, puisque parmi les maux dont souffre la Terre entière, au fond de sa boîte Rolande garde quelque chose d’essentiel ; c’est là « l’espoir des Bergeron » comme l’écrirait en plusieurs tomes sa compatriote Michèle B Tremblay.

Que nous dit-elle de son destin ?

UN DESTIN

Se glisser entre les lignes,
Entre les mots entre les mailles
Dans les interstices
Du temps et de l’espace

Se creuser un abri
Au sein de l’imaginaire
S’y lover et y créer
Des myriades d’étoiles

S’engouffrer au sein d’un maelström
Se tapir en son cœur
Là où règne le silence
Et un noir d’obsidienne

S’insérer au sein
D’un tissu arachnéen
Y semer des fruits
Des fleurs et des baisers

C’est un destin enviable
C’est le destin du poète…

Un destin © Rolande Bergeron.


Comme un bouquet de mots, en une vingtaine de vers offerts à l’entre-deux, mais solidement porteur de sens, ce poème est une sorte d’éloge poétique à l’intériorité, un hymne au cœur, à l’esprit ou à l’au-dedans des choses.

Et dans un monde qui se joue surtout des apparences les plus nulles et des évidences les plus crues, dans un monde intempestif qui se cause aux frontières mêmes de l’exhibitionnisme le plus arrogant, cet éloge simple, sonne comme un appel à quitter les sphères du m’as-tu-vu mondain pour creuser à coups de mots le mystère du dedans, oui tout simplement, en se laissant seulement guider et « glisser entre les lignes », juste derrière les substantifs, là où la substance même des mots se cache.

Les substantifs destin, silence, fleur, fruit, baiser… en dehors des choses signifiées, ont de profondes racines au sens propre comme au sens figuré !

Dans notre univers où la poésie n’a de sens que si elle rapporte gros, il est effectivement douloureux comme un karma de poétesse (un destin) de s’effacer quand tout autour de vous vous pousse à « paraître » ; il est de même amer de se déposséder quand le monde vous invite à jouer de l’invective agressive, de la critique gratuite ou même du boniment comme de la télécommande devant nos écrans plats.

Certes, il est bien difficile d’être barde au royaume de la pub mensongère et du tweet facile ! Et pourtant, ce qui fait la vie en profondeur, tout comme ce qui fait la profondeur de la poésie, c’est justement cette « intériorité » authentique.

Comme l’entend Philippe Descola, par « intériorité », j’entends aussi sur plusieurs octaves, toute la gamme des propriétés que l’on associe en général à l’esprit, à l’âme ou à la conscience, c’est-à-dire à notre capacité d’être authentiquement créateurs d’un univers de poésie, d’un monde de subjectivités et d’affects profonds, et en particulier à partir de notre aptitude à rêver ou à imaginer en métaphores, en signifiants ou en analogies, qu’importe, l’essentiel est de creuser mot à mot « un abri au sein de l’imaginaire ».

Tout comme la fragile finesse d’une toile d’araignée, comme la vulnérabilité de l’agrume qui gâte bien trop vite, et pareillement aux fleurs qui fanent bien trop tôt dans leur pot, jusqu’aux baisers qui s’oublient avec le temps et l’âge, tout passe.

« D’un tissu arachnéen
Y semer des fruits
Des fleurs et des baisers »
(…)
« S’y lover et y créer
Des myriades d’étoiles »

Tout trépasse et pourtant, le fruit, la fleur et le baiser n’ont point de pourquoi nous dirait Angélus Silesius s’il vivait encore à notre époque connectée à d’étranges machines et mondanités que nous nommons ordinateur, microprocesseur et réseaux sociaux. Parce qu’à l’intérieur des choses, l’espace infini et l’éternité nous cachent leurs ébats.

Oui, dans le monde tout passe et trépasse, alors que l’intériorité des choses s’éternise, qu’elle dure éternellement, qu’elle n’a point de fin, et que sa faiblesse et sa force, c’est justement son côté lumineux qui jaillit d’une seule source, là même où dans l’intériorité, le tissu arachnéen se fait dentelle, et où le fruit, la fleur et le baiser embrassent l’infini.

Face à cette profondeur, l’extériorité et la physicalité ne sont que de paille !

De paille sèche, tout comme notre monde de pontifes de la littérature, de présomptueux ridicules, de fanfarons de la politique, de cabotins en mal de gloire et de popularité, de jeux de téléréalité, de relations médiatisées... tout un monde qui ignorent tout de l’humble présence des choses invisibles qui s’écoule dans l’humilité, c’est-à-dire dans l’humus des choses cachées aux banquiers et autres bouffons du monde.

Oui, rien qu’un éloge à l’intériorité, un destin, car il faut avoir la sagesse des dieux et des anges pour rester ainsi en dehors des apparences, il faut avoir saisi comme un sage ou un poète combien les semblants sont faits de paille et de poussière, pour continuer à se tapir, dans la quiétude d’un cœur

« Là où règnent le silence et un noir d’obsidienne »

Cette « physicalité » (terme descolien) dont vont dépendre en grande partie les apparences, par contraste (pas par opposition puisque tout est UN) avec « l’intériorité », est là comme pour nous éprouver et nous prouver quelque chose de la vraie vie. C’est ainsi, toute notre physiologie nous plonge constamment dans la dimension biologique et matérielle des choses, dans leur visibilité et leur forme extérieure. Elle concerne les figures et configurations extérieures des choses de la vie, ainsi que tous nos processus de perception, et toutes nos humeurs, voire même nos tempéraments et notre façon d’agir le monde en tant que manifestation.

Rolande, elle aime les gens comme les mots et cela transparaît comme une lumière diaphane et cela fait toute la différence ! À l’aide de mot – sonde, Rolande, à n’en pas douter, n’a jamais cessé de sonder la profondeur de l’âme humaine. Pour elle, c’est comme une gageure, un défi, que de rendre compte de la beauté cachée et de la complexité du dedans alors que le dehors nous submerge et nous envahie du matin au soir.


Entre les aléas du quotidien, l’amertume des chances perdues et les déboires de l’existence, il y a un lieu insondable, à la fine pointe des mots comme il existe un lieu des plus discrets à la fine pointe des âmes. Mais le destin des poètes réserve parfois quelques surprises qui se glissent doucement, sans faire le moindre bruit.

« Entre les lignes,
Entre les mots
Entre les mailles
Dans les interstices
Du temps et de l’espace »

Et qui de ce fait, viennent illuminer les cœurs et réenchanter le monde, et asteure, cela semble bien nécessaire !

C’est un fait, nos concitoyens préfèrent la vie immédiate, celle que l’on consomme, TVA compris « Tsu suite, au plus sacrant » comme on dit au Québec, devant un bon smoked-meat apetissant.

On peut comprendre ces appétits qui poussent nos compagnons d’infortune à répondre à l’appel des Sirènes, à consommer pour devenir apparent et distinct des autres et ça saute aux yeux que les mots participent au débat !

Dans cette dimension en aplat, briller en société par ses bons mots d’esprit ou son agressivité, c’est du pareil au même, qu’importe, dans notre monde, il faut coûte que coûte se distinguer parmi la foule des anonymes, s’exposer à la vue de ses pairs, percer et réussir au mieux dans la lueur de LED… Tout cela est devenu un jeu d’enfant et un jeu de société, et surtout un esclavage, une immense téléréalité à l’échelle de l’arène, c’est-à-dire de notre pauvre planète. Et l’attraction est forte, tout comme l’appât du gain et de la gloire !

À l’opposé, la vie intérieure est effectivement un endroit plus calme et serein, mais de dimension plus exiguë, semblable à « un coqueron » qui serait une sorte d’alambic à distiller l’esprit des choses oubliées.

En permanence, comme les deux faces d’une même médaille, puisqu’il n’y a pas dualité, deux voies se présentent à nous et deux voix lancinantes nous parlent, la voix insidieuse, séduisante et forte du monde, et l’autre, la voix plus effacée des profondeurs de l’être, de nature plus simple et fine, quasi impalpable comme une substance immatérielle ou comme un état de grâce, tel le souffle intime des choses qui semble nous susurrer des secrets à l’oreille, tout ça pour tendre à l’essentiel, puisque l’intériorité en question, c’est l’arcane de la vraie vie !

Cette intériorité, c’est une porte dérobée qui cache le mystère, et c’est paradoxal, car seule la profondeur élève, seules l’humilité et la dépossession affinent les choses pour passer de l’existence à l’être.

La vie vécue sur Skype et Facebook est comme une aventure télévisuelle, préfabriquée comme un feuilleton au jour le jour, une vie passe-partout qui se passe de l’intériorité comme les enfants se passent d’épinards.

Entrer et descendre dans l’intériorité, c’est entrer sans complaisance dans la concavité, au plus creux des mots, dans un trou plein d’ombres, c’est sonder les cavernes du monde, comme on pénètre le cœur chaviré l’antre de Trophonius, se condamnant à garder en soi et face au monde, un brin fragile d’espérance dans un fond de tristesse devant tant de gâchis !

Entrer « en intériorité » comme on entre en religion, c’est accepter de devenir silence, cela implique un réel lâcher-prise vis-à-vis des réalités et vérités organiquement modifiées que le monde nous présente comme seule alternative au Réel.

De la prégnance des pubs à l’influence des médias, du harcèlement des autres aux flots d’activistes et de contestataire à tout prix, à l’heure d’aujourd’hui, prier ou faire de la poésie sa respiration, au-delà du chaos mondial, d’un univers virtuel ou beaucoup se réfugient, et sortir de ce monde carnivore et consumériste n’est pas gagné d’avance.

Mot à mot, Rolande Bergeron va où le vent la mène comme dans une vieille chanson d’Angelo Branduardi, en éternelle voyageuse, elle va, et ces mots à n’en pas douter ont du coffre, c’est-à-dire qu’ils sont des mots-coffres comme il existe en poésie surréaliste des mots-valises.

C’est « Le destin », comme l’intitule d’emblée Rolande, c’est comme d’accepter au quotidien une sorte de nuit obscure à la Jean de la Croix, tout en sachant que la source des mots et des rêves les plus profonds est là comme la vie, et qu’ « elle coule », et qu’« elle court », dans l’ombre obscure de ce monde et de cette vie, tel un abîme de vivre sans fond.

Entre vivoter d’apparences ou survivre d’illusion, l’alternative existe, et « Cette source éternelle est cachée » puisqu’elle ne peut être qu’intérieure, comme une « source vive », celle de nos désirs de paix, de bonté et de beauté, « mais que c’est dans la nuit », ce que ne cesse de nous répéter le poète mystique, car seules les choses discrètes sont capables de sécréter goutte à goutte l’infini et l’éternité, jusqu’au mot de la fin,

« Là où règnent le silence et un noir d’obsidienne ».


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